1/ Les devoirs du donneur d’ordre
Devoir de vigilance
En application des dispositions R. 8222-1 et L. 8222-1 du code du travail et L. 243-15 du code de la sécurité sociale, tout donneur d’ordre ou maître d’ouvrage (à l’exception des particuliers contractant pour leur usage personnel) doit s’assurer, lors de la conclusion d’un contrat portant sur une obligation d’un montant au moins égal à 5 000 € hors taxe, en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce et, tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution de celui-ci, que son cocontractant est :
- – D’une part, en règle au regard du travail dissimulé;
- – D’autre part, à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement (URSSAF).
La Cour de cassation considère que lorsque la prestation est découpée en plusieurs contrats inférieurs à 5 000 euros, la globalité de la relation commerciale est prise en compte pour déterminer si le devoir de vigilance incombe au donneur d’ordre.
Afin de satisfaire à ce devoir de vigilance, à la date de la signature du contrat et tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, le donneur d’ordre doit recueillir les justificatifs suivants :
- – Les extraits de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K-BIS), lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou registre nationale des entreprises est obligatoire ;
- – Les attestations de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions sociales émanant de l’organisme de recouvrement des cotisations URSSAF, mentionnant :
- – L’identification de l’entreprise et le fait que l’employeur ou le travailleur indépendant est à jour de ses obligations sociales à la date d’exigibilité de la dernière période traitée ;
- – Lorsque le sous-traitant emploie des salariés, le nombre de salariés et le total des rémunérations déclarés sur la dernière DSN adressée à l’URSSAF.
En pratique, cette attestation peut être obtenue par le sous-traitant en ligne sur le site de l’URSSAF. Aucun autre document ne peut s’y substituer.
Il incombe au donneur d’ordre de vérifier l’exactitude des informations figurant sur l’attestation soit par voie dématérialisée (en ligne, sur le site de l’URSSAF), soit sur demande auprès de l’organisme. Un code de sécurité mentionné sur l’attestation permet de s’assurer de l’authenticité et de la validité du document remis. Le donneur d’ordre doit vérifier la cohérence des informations dont il dispose au vu de ces documents et que l’attestation de vigilance délivrée n’est pas falsifiée. A défaut, l’URSSAF considèrera qu’il a manqué à son obligation de vigilance (Cass. 2e civ. 2-6-2022 n° 20-21.988 F-D, Urssaf d’Île-de-France).
De façon générale, les décisions rendues par les juges en matière d’obligation de vigilance du donneur d’ordre en présence d’une situation de travail dissimulé sont majoritairement favorables à l’URSSAF. Il a déjà été jugé que le donneur d’ordre qui n’effectue pas l’une des vérifications périodiques qui lui incombe est considéré avoir manqué à son obligation de vigilance pour la totalité de la période d’exécution du contrat. Dès lors, en cas de manquement à cette obligation, la solidarité de paiement couvre toute la durée du contrat au cours de laquelle a été constatée une infraction aux dispositions relatives au travail dissimulé (CAA Versailles 27-2-2020 n° 18VE01544, Sté B.).
Le devoir d’injonction
En application de l’article L. 8222-5 du code du travail, sauf s’il est particulier, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage qui est informé par écrit par un agent de contrôle de l’URSSAF ou autre organisme de recouvrement, un syndicat, une association professionnelle ou une institution représentative du personnel de l’intervention du cocontractant ou d’un sous-traitant ou subdélégataire ne respectant pas les obligations d’interdiction de travail dissimulé doit lui enjoindre par lettre recommandée avec avis de réception, de faire cesser sans délai cette situation.
A défaut, là encore, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage est tenu solidairement avec son contractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges.
2/ Sur la mise en cause de la responsabilité du donneur d’ordre
Le donneur d’ordre qui méconnaît les obligations de vigilance et/ou d’injonction précitée peut voir sa responsabilité engagée.
La responsabilité du donneur d’ordre peut être engagée de deux façons :
- – Sur le plan pénal, sur le fondement du délit de recours à celui qui exerce un travail dissimulé ;
- – Sur le pan civil, au moyen de la solidarité financière.
La solidarité financière vise à rendre le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage redevable du paiement des sommes dues par l’auteur d’un travail dissimulé avec lequel il avait contracté. Elle peut donc être engagée dès lors que :
- – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage a eu recours sciemment à celui qui a exercé un travail dissimulé ;
- – Le donneur d’ordre n’a pas vérifié la situation de son cocontractant (défaut de vigilance) ;
- – Le donneur d’ordre n’a pas enjoint de faire cesser une situation de travail dissimulé d’un sous-traitant (défaut de diligence).
Le donneur d’ordre méconnaissant ses obligations est tenu solidairement :
- – Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor et aux organismes de protection sociale (Urssaf et CGSS, MSA, caisses de retraite complémentaire, caisses de prévoyance, etc.) ;
- – Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;
- – Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par celui-ci à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche, et L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie du Code du travail.
Les sommes, dont le paiement est exigible, sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession.
Dans un arrêt récent du 16 mars 2023, la Cour de cassation a ainsi considéré que la solidarité du donneur d’ordre se limitait aux travaux réalisés pour son compte par le sous-traitant (Cass. 2e civ. 16-3-2023 n° 21-14.822 F-D822 F-D BS 6/23 inf. 384).
Pour les dettes fiscales, dans le cas d’une opération de sous-traitance, la valeur des travaux réalisés s’apprécie par rapport au contrat conclu entre l’entreprise principale titulaire du marché et le sous-traitant.
Pour les dettes sociales (rémunérations et cotisations sociales), le prorata est calculé par rapport au temps de travail et à la masse salariale affectés à la réalisation de la prestation irrégulière.